Cybersécurité au Niger : État des lieux et perspectives

La cybersécurité est devenue un enjeu majeur pour les nations du monde entier, y compris le Niger. Avec l'essor rapide des Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) et l'intégration croissante du numérique dans les secteurs économiques et sociaux, le Niger se trouve confronté à des défis de sécurité sans précédent. Les cybermenaces, allant des attaques informatiques aux violations de données personnelles, représentent un danger croissant pour les infrastructures critiques, les entreprises et les citoyens.

Dans ce contexte, il est impératif de dresser un état des lieux de la cybersécurité au Niger afin de mieux comprendre les risques actuels et les mesures mises en place pour les contrer. Il convient aussi d'explorer les perspectives futures pour renforcer la résilience cybernétique du pays. Cette analyse permettra de mieux cerner les priorités stratégiques et les actions nécessaires pour assurer une sécurité numérique durable dans un monde de plus en plus interconnecté.

Aissata CHANOUSSI, Directrice Sécurité des Systèmes d'Information, Agence Nationale pour la Société de l'Information, République du Niger, a accepté de partager avec Africa Cybersecurity Mag l’état des lieux et les perspectives futures de la cybersécurité au Niger. À travers une série de questions, elle nous plonge au cœur de la cybersécurité au Niger.

Africa Cybersecurity Mag :  Quelle est votre évaluation de l’état actuel de la cybersécurité au Niger ?

Aissata CHANOUSSI :  Actuellement, la cybersécurité au Niger, disons que nous avons commencé à déployer les grands moyens pour essayer de protéger notre cyberespace. Nous avons également constaté, d'un point de vue de la cybercriminalité, une hausse des crimes cyber dans notre espace. Entre 2019 et 2022, l’impact financier de ces cybermenaces varie de 70 % à plus de 400 %.

Africa Cybersecurity Mag : Quels sont les principaux défis rencontrés en matière de cybersécurité dans le contexte nigérien ?

Aissata CHANOUSSI : Actuellement, le principal défi reste la sensibilisation. Beaucoup d'utilisateurs ne sont pas encore conscients des enjeux et des risques liés à la cybersécurité. Ils pensent simplement que la cybersécurité est un problème européen ou américain, ce qui est loin d'être le cas pour les pays africains. Aujourd’hui, nous sommes contraints d’apporter des cas concrets en termes de chiffres et même, des fois, de mener des simulations d'attaques sur des plateformes digitales pour qu'ils comprennent que ce problème est également une réalité africaine et nigérienne. De ce fait, le premier défi est la sensibilisation, et ensuite, c'est la formation.

En effet, la formation reste un défi majeur parce que la cybersécurité fait partie des préoccupations en termes de technologies émergentes. En tant que structure étatique, l’Agence Nationale pour la Société de l’Information ANSI -Niger a contribué à la mise en place d'une Stratégie Nationale de Cybersécurité qui a été adoptée en décembre 2022. Actuellement, nous sommes en train d'implémenter le plan d'actions qui résulte de cette stratégie. Nous avons besoin de compétences pour répondre de manière efficace à toutes ces problématiques.

C’est pourquoi, dans les cursus scolaires, on intègre de plus en plus de cours sur la cybersécurité, l'intelligence artificielle et l'analyse de données. Il y a également un accompagnement au niveau de l'administration publique pour appuyer le renforcement des capacités des ressources humaines à ces nouvelles contraintes liées aux technologies émergentes.

Africa Cybersecurity Mag : Est-ce que vous pouvez nous relever les grands axes de cette stratégie ?

Aissata CHANOUSSI : L'un des axes qui me préoccupe le plus par rapport à cette stratégie est l'identification des organismes d'intérêt vital. Il faut pouvoir identifier tous les secteurs concernés et mettre en place des réglementations qui vont permettre de régir ces différents secteurs d'activité pour pouvoir protéger le Niger d'un point de vue de la souveraineté et de la sécurité nationale.

Africa Cybersecurity Mag :  Quelles sont les initiatives gouvernementales actuelles visant à renforcer la cybersécurité dans le pays, surtout en lien avec la formation et l’éducation à la cybersécurité ?

Aissata CHANOUSSI: Les initiatives au niveau du gouvernement incluent notamment l'amélioration des curricula actuels au sein de nos différentes institutions de formation. Par exemple, au niveau du primaire, on introduit l'usage des outils informatiques pour que nos jeunes soient imprégnés de ces technologies très tôt. Il y a également un appui aux startups pour mettre en place un cadre favorable à l'innovation. Parce que nous avons besoin de ces startups pour apporter des réponses adaptées aux réalités du Niger en matière de sécurité numérique. Par contre, il est à noter que le secteur de la cybersécurité connaît une carence en termes de représentation féminine.

Africa Cybersecurity Mag : Parlez-nous de votre expérience et quels sont les challenges, les défis qu'on doit relever lorsqu'on est une femme dans le domaine de la cybersécurité ?

Aissata CHANOUSSI : Je pense que les défis sont similaires partout dans le monde. Et le Niger n’échappe pas à cela.  Il n'y a pas beaucoup de femmes dans les postes techniques, notamment dans la cybersécurité. Au niveau des nouvelles ressources humaines que nous formons, il y a de plus en plus de femmes diplômées qui sortent des écoles. Malheureusement, à cause des blocages intellectuels, elles n'osent pas ou changent carrément de métier avant même de pouvoir commencer. Elles sont découragées par une certaine stigmatisation disant que les femmes ne sont peut-être pas capables d'émerger dans ce domaine.

Africa Cybersecurity Mag :  Quel conseil pouvez-vous donner à une femme qui envisage se lancer dans la cybersécurité ?

Aissata CHANOUSSI : Je leur dirais tout simplement de se lancer, de ne pas hésiter. Si j'ai pu le faire, elles peuvent le faire aussi. Nous avons tous les mêmes facultés intellectuelles. Le domaine de la cybersécurité est extrêmement vaste, avec des possibilités sur la gouvernance, l'analyse forensique, la diplomatie, et bien d'autres. Elles ne doivent pas s'auto-censurer, elles doivent y croire et occuper l'espace. Les femmes apportent une perspective unique et des détails qui peuvent échapper aux hommes. Malgré le monde très patriarcal dans lequel nous vivons, il est possible pour les femmes de réussir dans ce domaine. Elles doivent croire que c'est possible et ne pas se laisser décourager.

Propos recueillis par Christelle HOUETO, journaliste digital